Du roman à la BD : Calpurnia

« Si la science m’était interdite, et les arts ménagers aussi, qu’est-ce qui me restait ? Où était ma place dans le monde ? » (p.346)

Jacqueline Kelly a d’abord pratiqué la médecine pendant plusieurs années avant de reprendre des études de droit. Après ça, elle s’est finalement dirigée vers le métier d’auteure. Originaire de Nouvelle-Zélande, elle déménage d’abord à Vancouver puis au Texas. Calpurnia, son premier roman, a été récompensé par le Newbery Honor Award. Et on comprend pourquoi !
Daphné Collignon reprend le roman de Jacqueline quelques années plus tard pour en faire une bande dessinée en deux tomes. Diplômée en illustration-infographie, elle se lance d’abord dans l’illustration avant de se consacrer définitivement à la bande dessinée. Elle est désireuse de transmettre « une bande dessinée qui laisserait le champ libre au regard d’une sensibilité subjective approchant d’autres cultures, et d’autres mondes » (Bédéthèque).

Je vous propose ici un tout nouveau format sur mon blog : du roman à la BD. Daphné Collignon a-t-elle réussi à rester fidèle au roman de Jacqueline Kelly ?

! Attention, risque de spoil !

Comme l’histoire n’a qu’une seule intrigue principale, je me suis permise de m’appuyer sur quelques scènes clés ou non. Bien sûr, rien ne spoil l’intrigue principale mais si vous voulez découvrir l’histoire sans rien savoir, je vous conseille de lire le dernier paragraphe tout en bas de la page. Bonne lecture !


Titre : Calpurnia
Auteure : Jacqueline Kelly
Maison d’édition : L’école des loisirs
Date de sortie : 2013
Nombre de pages : 420

Titre : Calpurnia
Auteures : Daphné Collignon, Jacqueline Kelly
Maison d’édition : Rue de Sèvres
Date de sortie : 2018 – 2020
Nombre de tomes : 2
Nombre de pages par tome : 88 / 128

Résumé :
Calpurnia Tate a onze ans. Dans la chaleur de l’été, elle s’interroge sur le comportement des animaux autour d’elle. Elle étudie les sauterelles, les lucioles, les fourmis, les opossums. Aidée de son grand-père, un naturaliste fantasque et imprévisible, elle note dans son carnet d’observation tout ce qu’elle voit et se pose mille questions. Pourquoi, par exemple, les chiens ont-ils des sourcils ? Comment se fait-il que les grandes sauterelles soient jaunes, et les petites, vertes ? Et à quoi sert une bibliothèque si on n’y prête pas de livres ? On est dans le comté de Caldwell, au Texas, en 1899. Tout en développant son esprit scientifique, Calpurnia partage avec son grand-père les enthousiasmes et les doutes quant à ses découvertes, elle affirme sa personnalité au milieu de ses six frères et se confronte aux difficultés d’être une jeune fille a l’aube du XXe siècle. Apprendre la cuisine, la couture et les bonnes manières, comme il se doit, ou se laisser porter par sa curiosité insatiable ? Et si la science pouvait ouvrir un chemin vers la liberté ?


Pour parler d’abord du roman, Jacqueline nous dépeint là l’histoire d’une jeune fille qui sort des codes sociétaux de l’époque. Ce roman nous plonge donc dans le Texas de la toute fin du XIXe siècle et même si je ne m’y connais pas beaucoup en histoire, je peux vous dire que j’avais l’impression d’y être. L’auteure a, à mon avis, fait un travail de recherche sur les avancées scientifiques et sur les conditions sociales afin d’être la plus fidèle possible à la réalité. Je trouve que c’est particulièrement réussi, elle fait attention aux détails. Au début de chaque chapitre, nous avons une citation à propos de l’évolution ou de la science et j’ai parfois trouvé un lien avec le chapitre qui suivait. Parfois je n’ai pas trouvé, mais je pense qu’elles sont toujours liées au chapitre qui suit. La traductrice a fait un excellent travail et je pense qu’elle a parfaitement reproduit la plume de Jacqueline. Si bien que j’ai eu l’impression de lire un classique du début du XXe comme Anne de Green Gables. En parlant d’Anne, je trouve que Calpurnia a un côté contemplatif qui ressemble beaucoup au roman de Lucy Maud Montgomery. Comme je les ai lu à la suite, il est facile de les comparer.

« Je n’étais plus qu’un réservoir de services à rendre aux autres, qui attendait d’être rempli de recettes et de modèles de tricot. » (p.275)

Calpurnia est une jeune fille enjouée, curieuse et forte. Le roman est écrit de façon à ce qu’on le vive à travers ses yeux d’enfant de « quasiment-douze-ans ». Être la seule fille dans une fratrie de sept c’est compliqué, et elle s’en rend bien compte. Sa mère met beaucoup d’espoir en elle et veut lui apprendre les rudiments de la bonne ménagère comme la cuisine, la couture ou la broderie. Mais Calpurnia ne comprend pas. Pourquoi ses frères peuvent jouer toute la journée alors qu’elle doit rester dans la cuisine à faire des tartes aux pommes ? Contrairement au papa qui est effacé et qui ne comprend pas « les choses importantes de la maison », la maman est très présente. Elle est persuadée de bien faire car à l’époque c’était la normalité. Malgré tout, je la trouve quand même assez indulgente quant aux activités de Calpurnia. Je pense qu’elle peut comprendre le désir de sa fille, même si on ne l’a pas vu dans le roman, pour que Calpurnia puisse vivre son rêve. Je ne l’ai trouvé ni stricte, ni méchante. Au contraire, on se rend souvent compte qu’elle aime ses enfants plus que tout. La place des femmes dans la société de l’époque est un point central du roman. Même Jim Bowie, le plus petit, ne comprend pas pourquoi il ne peut pas faire de gâteaux comme Calpurnia.

« – Est-ce que je peux apprendre à en faire ? Demanda Jim Bowie.
– Non, J.B. Les garçons ne font pas de gâteaux, répondit mère.
– Pourquoi ? Demanda-t-il.
– Ils ont des femmes qui font la pâtisserie pour eux.
– Mais je n’ai pas de femme. » (p.283)

On a également dans ce livre la question de la ségrégation évoquée bien plus d’une fois. Le père de Calpurnia étant directeur d’une exploitation de coton, il emploie des hommes et des femmes noirs pour la récolte de coton. Calpurnia ne s’était jamais dit que ce travail était dur, enfin elle l’avait pensé en voyant les ouvriers rentrer du champs épuisés. Quand son grand-père lui parle de la différence entre une grande houe et une petite houe pour la récolte, elle veut le voir de ses propres yeux. Mais pour une fille blanche, c’est inacceptable et Viola lui fait bien savoir. Les personnes racisées sont représentées seulement au travers des ouvriers et des domestiques (dont Viola). Le roman dépeint une situation inégalitaire concernant les personnes noires. En plus de la place de la femme, la ségrégation est un sujet important également abordé par Jacqueline. Calpurnia n’a pas l’air de vraiment comprendre pourquoi elle ne peut pas récolter du coton.

En parlant du grand-père, c’est un homme renfermé mais extrêmement doux. La relation qu’il tisse avec Calpurnia au fur et à mesure du livre est absolument magique. Il n’a pas beaucoup de liens avec ses sept petits enfants qui, on peut le dire, le craignent. Mais quand Calpurnia ose lui poser une question sur la nature, il s’illumine et commence à l’emmener dans ses explorations pour trouver des spécimens. C’est une relation hors du commun qui se crée ici et le grand-père soutiendra toujours sa petite-fille comme il le peut. Entre la colère éprouvée par Calpurnia qui ne peut pas faire ce qu’elle veut car c’est une fille et la relation attendrissante avec son grand-père, ce roman est un mélange d’émotions qui m’a conquis.

La petite Calpurnia a aussi une relation toute particulière avec son frère ainé, Harry, qui la chouchoute. C’est d’ailleurs lui qui lui offre ce carnet dans lequel elle va tout noter. Elle y mettra toutes les questions qu’elle se pose sur le monde qui l’entoure (« Pourquoi Travis aime les chats ? ») et c’est ce qui l’amènera à adresser la parole à son grand-père. Harry est un personnage clé qui offre son aide à sa sœur mais ne comprend pas son attrait pour la science. Travis, le petit frère de 10 ans, est un peu atypique. Je trouve qu’il ressemble à Calpurnia, il sort du lot. C’est un enfant sensible qui adore s’occuper de ses animaux et s’y attache dur comme fer, au désarroi de sa mère. Les autres frères sont moins présents pour Calpurnia mais on peut noter quand même quelques éléments clés qui incluent les quatre autres frères. Le développement des personnages est assez impressionnant. Ce ne sont pas juste des pantins qui n’évoluent pas. Jacqueline a su façonner ses personnages d’une manière quasiment parfaite et elle les fait tous évoluer. Elle n’a pas concentré ses efforts seulement sur Calpurnia même si le développement de cette dernière occupe une place importante, ce qui est normal car c’est le personnage principal.

On peut remarquer rapidement le lien entre le livre de Darwin, On the origin of species, qui est un ouvrage important dans le roman, et le titre du livre en anglais : The evolution of Calpurnia Tate. On peut tout à fait s’attendre à de la science ici.

Bon, j’écris encore et encore mais qu’en est-il de la bande dessinée finalement ?

Beaucoup de moments du roman sont supprimés pour ne garder que les moments clés. Parfois, certains moments clés sont raccourcis mais l’histoire reste tout à fait compréhensible et assez fidèle au roman. Certaines scènes m’ont fait tiquer mais rien de bien méchant. Le petit point noir que j’y trouverais c’est que la BD se base sur le carnet et on a plusieurs pages qui sont présentées comme le carnet de Calpurnia. Bon, ce n’est pas un point noir vous allez me dire mais Daphné le présente comme si Calpurnia avait présenté sa famille et y notait ses petites histoires alors que dans le roman, ce n’est pas le cas. Du moins, je ne l’ai pas vu comme ça. C’est un point négatif mais c’est tout de même une excellente idée à mon avis.

En ce qui concerne le dessin, je l’ai trouvé très épuré et franchement très adapté au roman. Je trouve que c’est vraiment le genre de dessin qu’il faut à Calpurnia. Je suis juste un peu déçue par rapport au grand-père, je ne l’imaginais pas du tout comme ça. A part ça, j’ai trouvé la bande dessinée assez fidèle et très jolie.

Ces trois lectures ont été très agréable mais j’ai quand même une préférence pour le roman. En bref, c’était une histoire attendrissante, émouvante mais aussi énervante. Un tas d’émotions ce sont mélangées lors de ma lecture. Ce ne sont pas des coups de cœur mais ce sont d’excellentes lectures.

Livres empruntés au réseau de médiathèques de Nantes.

Publié par Takou

Jeune chroniqueuse littéraire, je dévore les livres comme des petits pains chauds.

2 commentaires sur « Du roman à la BD : Calpurnia »

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